Plusieurs amis m’ont demandé mon opinion sur le
vote de la loi antirévisionniste récemment promulguée en Russie.
La loi antirévisionniste russe interdit « la réhabilitation du nazisme », « la diffusion de fausses informations sur le rôle de l'Union soviétique pendant la Deuxième Guerre mondiale » et « la négation de faits établis par le Tribunal de Nuremberg ». Bien que « l’Holocauste », les chambres à gaz et les six millions ne soient pas mentionnés, cette loi peut, bien sûr, être utilisée contre le révisionnisme holocaustique.
En dehors des trois livres publiés en russe par Jürgen Graf, dont le dernier remonte à 2008, il n’existe pas d’ouvrages révisionnistes en Russie.
Toutefois un bon nombre d’articles révisionnistes ont été traduits en russe et diffusés sur la Toile par des groupes nationalistes et antisionistes. A ma connaissance, le seul sujet sur lequel ces gens ont fait quelques recherches personnelles est Babi Yar. J’ai découvert récemment sur Internet un long article en russe accompagné d’un grand nombre de photographies démontrant l’absence totale de preuves matérielles du prétendu meurtre de masse de Babi Yar.
Les trois livres de Jürgen Graf ont beau avoir été vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, le révisionnisme holocaustique est encore totalement inconnu de l'écrasante majorité de la population russe. Pour parler bien franchement, le sujet n’intéresse pas le Russe moyen, et les médias font rarement la distinction avec les victimes juives lorsqu’ils évoquent les « atrocités nazies » ou la souffrance de la population soviétique lors de la Grande Guerre patriotique. En d’autres termes, le révisionnisme ne constitue pas une menace significative pour la Russie officielle. Dans ces conditions
, pourquoi promulguer aujourd’hui cette loi, qui avait été annoncée à plusieurs reprises ces dernières années mais toujours reportée ?
Est-ce à cause de la pression exercée par le lobby juif en Russie ? Certainement pas, parce qu’il n’existe pas de lobby juif ici. Bien sûr, de nombreux juifs occupent des postes importants dans les médias, mais ils ne font jamais campagne pour des objectifs liés à l’identité juive, comme le font effectivement les juifs américains, français, etc. La majorité des personnalités juives des médias soutiennent actuellement Poutine et propagent un « patriotisme russe », tandis qu'une minorité bruyante de juifs libéraux et pro-occidentaux s’en prennent méchamment au gouvernement, à sa prétendue « oppression des homosexuels » et à sa politique étrangère.
Si l’on veut comprendre les raisons de la promulgation de cette loi totalitaire, il faut connaître l’idéologie des dirigeants actuels de la Russie. Même si Poutine a, à plusieurs reprises, qualifié de tragédie la disparition de l’Union soviétique, l’idéologie soviétique est quasiment morte : oubliés, le marxisme-léninisme et l’internationalisme prolétarien ; complètement discrédité, « l’athéisme scientifique » ; la direction russe parraine l'Eglise orthodoxe et fait l'éloge de son rôle positif dans l'histoire de la Russie. Même le dirigeant du Parti communiste Gennady Zhuganov condamne la persécution des chrétiens sous le régime soviétique et la qualifie de « grave erreur ». Les crimes communistes, comme la terreur sanglante qui a suivi la Révolution bolchevique, la collectivisation forcée de l’agriculture qui a coûté des millions de vies, le massacre de Katyn ou la déportation des Tatars de Crimée qui, d’après les statistiques officielles, a entraîné la mort de 46 % des déportés sont pleinement reconnus et fustigés dans les médias.
En revanche, sur le thème de la Grande Guerre patriotique, il n’y a pas eu la moindre révision. La terminologie soviétique est encore employée ici par tous les hommes politiques et par l’ensemble des médias. Tous affirment catégoriquement que, en 1941, l'Union soviétique a été la victime innocente d'une agression insidieuse et qu’elle n’était absolument pas préparée à la guerre. Il est tout à fait exact que de nombreux historiens russes ont largement réfuté cette version de l'histoire. Le plus compétent d'entre eux, l'historien spécialiste d’histoire militaire Mikhaïl Meltyukhov (dont l'un des textes a été traduit en allemand par Jürgen Graf) a apporté la preuve des intentions agressives du gouvernement de Staline dans son étude monumentale
Upushchenny Shans Stalina (L'occasion perdue de Staline). Citant une pléthore de documents soviétiques,
Meltukhov prouve qu'en 1940 et au cours de la première moitié de 1941 tous les projets militaires de la direction soviétique envisageaient une attaque soudaine contre les Allemands et leurs alliés et une avance rapide de l'Armée rouge à travers la Pologne, la Prusse orientale et les Balkans. Mais ces faits ne sont absolument jamais mentionnés, et encore moins discutés, dans les médias. (Il sera intéressant de voir si ces historiens, dont plusieurs enseignent dans des universités, auront des ennuis après la promulgation de cette nouvelle loi. Personnellement j’ai tendance à penser que ce ne sera pas le cas.)
Quant aux crimes allemands – réels ou inventés – commis dans les territoires occupés, il n’y a pas eu non plus de révision. Les médias colportent toujours des chiffres incroyablement exagérés de victimes. Un exemple frappant est celui de l’ancien camp de concentration de Salaspils en Lettonie. D’après des spécialistes lettoniens et occidentaux, environ 3 000 personnes ont péri à Salaspils alors que les médias russes insistent toujours sur le chiffre absurde de 100 000 qui a été inventé par une commission soviétique en 1944.
Le 9 mai, Jour de la Victoire, Poutine a rendu hommage à l’Armée rouge pour avoir sauvé l’Europe de « l’esclavage ». Telle est encore la ligne officielle du parti. Les médias prétendent quasiment chaque jour que l’Union soviétique a « libéré » ou « sauvé » l’Europe de l’Est. Il va sans dire qu’il s’agit là d’un mythe :
comme conséquence de cette « libération », des tyrannies communistes sont arrivées au pouvoir partout en Europe de l'Est et ont établi un règne impitoyable de terreur qui a duré au moins jusqu'à la fin des années cinquante C’est dans ce contexte qu’il faut voir la loi antirévisionniste. Si la conquête de l'Europe de l'Est et l'installation de dictatures communistes brutales ont été une libération, les Allemands, qui avaient contrôlé Europe de l'Est directement ou indirectement avant l'arrivée de l'Armée rouge, doivent avoir été bien pires. Voilà pourquoi la légende de « l’unicité de la cruauté nazie », avec ses « génocides systématiques » et ses « camps d'extermination », doit être maintenue à tout prix.
L’antinazisme rageur propagé par tous les hommes politiques et médias russes a été considérablement exacerbé par la crise ukrainienne. Comme vous le savez tous, les régions de Donetsk et de Lugansk, qui en ont vraiment assez de la mauvaise administration ukrainienne, ont déclaré leur indépendance de Kiev et rejoindront sans doute la Fédération de Russie dans un avenir proche. Même si l'armée ukrainienne est faible et peu motivée, elle a encore des chars et des avions, et la milice locale ne sera probablement pas en mesure d'expulser les occupants. S’il y a trop de sang versé, la Russie sera contrainte d'intervenir militairement. Naturellement Poutine n’y tient pas en raison des conséquences négatives évidentes qu’une telle action entraînerait pour la Russie, mais peut-être n'aura-t-il pas d'autre choix.
Entre parenthèses, historiquement ces provinces ne faisaient pas partie de l'Ukraine. Elles ont été arbitrairement incorporées à la République soviétique d'Ukraine par les Bolcheviques parce qu'elles étaient fortement industrialisées et que l'Ukraine agricole avait trop peu de « prolétaires ». Tout comme dans le cas de la Crimée, leur retour à la Russie constituerait simplement la rectification d'une erreur historique et pourrait en outre se justifier par le principe largement reconnu de l'autodétermination. Malgré tout, l'hystérie antirusse à l'Ouest, qui est déjà très forte et soigneusement fomentée par les médias sous contrôle, prendrait des proportions gigantesques à la suite d’une intervention russe, et il y aurait des sanctions économiques.
Afin d'obtenir le soutien non seulement de sa propre population (dont 80 à 90 % seraient d’accord, de toute façon, pour une intervention), mais aussi des gauchistes et des juifs de l’Ouest, la Russie tente désespérément de justifier son soutien (tout à fait légitime !) à ses compatriotes de l'est de l'Ukraine comme étant une croisade contre le nazisme. Ceci est devenu possible grâce aux activités pernicieuses de Pravy Sektor, un gang de bandits armés qui terrorisent les adversaires de la Junte de Kiev. Idéologiquement ces gens (et le parti Svoboda, qui est représenté au Parlement) sont des descendants de Stefan Bandera qui s’est battu pour l’indépendance de l’Ukraine avant, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale. Pendant la guerre, ses partisans, alliés provisoirement aux Allemands mais considérés comme très peu fiables par la Wehrmacht, ont commis de nombreuses atrocités contre les civils russes et polonais. C'est là un fait incontestable, même si le nombre de victimes présumé (« 150.000 Polonais massacrés ») est, bien sûr, grandement exagéré. La télévision russe montre régulièrement des images horribles des victimes de Bandera invariablement suivies de photographies de gens assassinés par Pravy Sektor. Au grand dam des médias russes, qui dénoncent en permanence « l’antisémitisme » des « nazis » ukrainiens, ils n'ont pas été en mesure de produire un seul juif ukrainien qui aurait été la victime de ces voyous – leurs victimes sont toutes des Russes, ou des Ukrainiens qui s'opposent à la Junte. Cela n'est pas le moins du monde surprenant puisque, comme l’a rapporté en février le
Ha'aretz,
Dmitri Yarosh, chef des voyous de Pravy Sektor, a été reçu à l'ambassade d'Israël à Kiev et a promis à l'ambassadeur de lutter contre l'antisémitisme. Bien que le fait ait été occulté par les médias russes, on a appris récemment que Yarosh et ses voyous sont financés par Igor Kolomoisky, un oligarque criminel juif. La tentative du gouvernement russe de présenter sa politique ukrainienne comme une croisade antinazie n’obtient qu'un succès modéré. S'il est vrai qu'Israël observe une neutralité stricte et ne critique pas la Russie, l'écrasante majorité des juifs américains et européens sont farouchement antirusses – ce qui est compréhensible, vu que le retour d'une superpuissance russe représente un danger mortel pour le Nouvel Ordre mondial sous contrôle juif et pour son bélier, les Etats-Unis d'Amérique. Fait intéressant : le furieux antinazisme des hommes politiques et des médias russes ne les empêche pas de développer des contacts amicaux avec les nationalistes pro-russes de l’Union européenne. A plusieurs reprises Marine Le Pen a été louée pour sa prise de position pro-russe.
Récemment, un membre éminent du Jobbik, parti ouvertement antisioniste hongrois, a été interviewé dans Post Scriptum, un programme de télévision populaire pro-Poutine dirigé par Alexei Pushkov. Le 13 mai, Alexandre Douguine, un écrivain politique très influent qui prône la renaissance de l'Empire russe et sert de conseiller idéologique au président de la Douma Sergueï Narychkine, a reçu deux membres du parti nationaliste grec Aube dorée, Artémios Matthaiopoulos et Eleni Zaroulia, femme du chef du Parti incarcéré Nikos Mikhaliolakos. Ils ont été traités avec la plus grande courtoisie et une longue interview leur a été accordée.
Jochen Fürst, historien allemand demeurant en Russie.