Ces Allemandes qui ont volontairement participé à la Shoah
Spécialiste reconnue de la Shoah, notamment au sein de l’US Holocaust Memorial Museum, l'historienne américaine Wendy Lower lève le voile pudique qui couvrait jusqu’à présent l’un des sujets les plus méconnus de la Seconde Guerre mondiale : la participation des femmes allemandes à la Solution finale.
Un livre fort, d’une écriture directe et ponctuée de témoignages directs, qui prouve une fois encore que, non, le conflit mondial n’a pas encore livré tous ses secrets. L'ouvrage «Les furies de Hitler» (publié chez Tallandier) brise cette image d’Epinal de cette femme allemande «compatissante, perçue par les manuels d’histoire comme l’héroïne à qui il revenait de lessiver le passé honteux de l’Allemagne.»
Après l’assaut allemand mené sur les pays de l’Est, de très nombreuses jeunes femmes, a priori sans histoire criminelle, sont parties dans ces nouveaux territoires, en Pologne ou en Ukraine. Et sont devenues, pour la plupart, des exécutantes zélées, fidèles aux instructions dépuration ordonnées par Adolf Hitler et ses sicaires. «Personne n’aurait jamais pu imaginer ce dont quelques unes d’entre elles se rendraient coupables dans les territoires occupés à l’Est.» Comme Johanna Altvater, jeune secrétaire allemande dont la «spécialité» était de tuer les enfants juifs. Par défenestration ou en leur tirant une balle dans la bouche.
Les femmes présentées dans l’ouvrage furent toutes témoins, complices ou exécutantes. Mais des victimes, certainement pas. «L’apolitisme des Allemandes fait partie des mythes de l’après-guerre. La totalité de la population féminine allemande, soit environ 40 millions, ne peut être qualifiée de victime.» Un tiers s’engagea activement dans une organisation liée au parti nazi.
Toutes les professions furent touchées par cette volonté de s’impliquer volontairement dans le nettoyage de population. Un passage à l'acte qui répondait au désir participatif de cette dictature. De bonnes secrétaires, loyales, d’allure agréable, ont ainsi conjugué une profession normale et une aptitude remarquable à faire le mal. Sans plus de pitié que les hommes. Avec le soutien total du régime nazi et de la SS, les femmes sont devenues égalitaires dans l’horreur. Et les témoignages présents dans le document font froid dans le dos. Contrairement aux idées reçues et véhiculées par le cinéma ou la littérature, les pires criminelles nazies n’étaient pas les gardiennes de camps mais bien les infirmières. Avec comme premières victimes de la guerre les enfants infirmes, mal formés. Tous liquidés en masse. Soit plus de 8000 enfants euthanasiés. Sans remords.
Des «furies de Hitler» qui n’étaient pas toutes des sociopathes marginales. C'est ce qui constitue d'ailleurs l'aspect le plus choquant du dossier. De leur point de vue, leurs actes n’étaient que l’expression de loyauté au régime nazi. «Aucune des femmes présentes dans l’ouvrage n’était forcée de tuer. En s’y refusant, elles n’auraient risqué aucune sanction.» Et après la défaite de l’Allemagne, la plupart de ces «furies» ont échappé au châtiment de la justice. Contrairement aux bourreaux masculins qui ont bien souvent connu la prison ou la peine de mort. Le carnet photographique permet de mieux comprendre pourquoi elles ont échappé au châtiment. Outre l’absence de témoignages fiables, beaucoup de témoins ayant été liquidés, qui aurait pu imaginer que derrière ces visages féminins, si doux, se cachait le sourire carnassier de la Bête immonde.
Une lecture passionnante qui ne laisse pas indifférent son lecteur.
Philippe Degouy
«Les furies de Hitler. Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah», par Wendy Lower. Éditions Tallandier, 400 pages
http://blogs.lecho.be/lupourvous/2014/1 ... shoah.html