À 76 ans, Horst Mahler, passé par la Fraction armée rouge (Rote Armee Fraktion, RAF) et le NPD (parti nationaliste allemand), est aujourd’hui emprisonné pour ses écrits révisionnistes et judéo-critiques. Délits d’opinions qui lui ont valu, en 2009, une quadruple condamnation à près de 13 ans d’incarcération. En attente d’un nouveau procès pour un ouvrage écrit et diffusé depuis sa détention à la prison de Brandebourg, ce dissident allemand risque cette fois une condamnation à cinq ans de prison supplémentaire, ce qui équivaudrait quasiment, au regard de son âge, à de la perpétuité. Récit d’une vie dans laquelle se reflète le destin du peuple allemand au XXème siècle…
Horst Mahler est né le 23 janvier 1936 à Haynau en Basse-Silésie allemande (aujourd’hui située en Pologne) dans une famille acquise à la cause national-socialiste et installée à Naumburg, puis Dessau-Roßlau en Saxe-Anhalt après l’avancée de l’Armée rouge. En 1949, miné par la défaite allemande, son père se suicide devant les yeux du jeune Horst, avant que la famille ne s’installe finalement en Allemagne de l’Ouest. Pendant des études de droit à Berlin-Ouest, Horst Mahler s’inscrit au SPD, parti social-démocrate allemand (1956) et publie des textes, qui, entre autres, critiquent l’appartenance de l’Allemagne de l’Ouest à l’OTAN. En 1964 il fonde à Berlin-Ouest un cabinet d’avocat spécialisé dans le support juridique aux PME. Il sera notamment le premier avocat allemand à plaider devant la Cour européenne des droits de l’homme en 1966. Membre du SDS (Sozialistischer Deutscher Studentenbund, (Union socialiste des étudiants allemands), il devient à la fin des années 1960 l’avocat le plus célèbre du Mai 68 allemand : « On nous apprenait que les Allemands étaient un peuple agressif qui avait déclenché deux guerres mondiales et tué six millions de juifs. Je ne pouvais pas diaboliser mes parents. Mais je voulais moi être un Allemand correct. Je me suis réfugié dans la théorie marxiste, qui permettait de sortir de cette culpabilité en se plaçant du côté du prolétariat », expliquera-t-il plus tard. Il sera ainsi l’avocat de Rudi Dutschke, Rainer Langhans, Fritz Teufel (tous de célèbres jeunes révolutionnaires socialistes allemands de Berlin) ou encore Peter Brandt, le fils du chancelier allemand Willy Brandt, qui avait participé à des manifestations non-autorisées contre l’incarcération de Fritz Teufel. En 1968, il prendra également la défense de la jeune Beate Klarsfeld, qui avait giflé le chancelier Kurt Kiesinger en hurlant « Kiesinger, nazi ! Démissionne ! ».
Au tournant des années 1970, Horst Mahler se lie avec Andreas Baader, ayant notamment été impliqué dans son évasion de prison le 14 mai 1970. Membre fondateur de la RAF, il participe à l’écriture de son manifeste Bâtir l’Armée rouge, publié dans la revue Agit 883 le 5 juin 1970 : « Favoriser la lutte des classes – Organiser le prolétariat – Commencer la résistance armée – Construire l’Armée rouge. » Pour mettre la théorie en pratique, Horst Mahler passe l’été suivant à se former à la guérilla dans un camp palestinien du Fatah en Jordanie, avec, entre autre, Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Ulrike Meinhof, Peter Homann et Brigitte Asdonk, tous membres de la première génération de terroristes de la RAF. En septembre 1970, ils effectuent leur retour en Allemagne dans la clandestinité et se livrent à une série de hold-ups dans des banques berlinoises. Faits pour lesquels Horst Mahler sera arrêté quelques semaines plus tard et passera dix ans derrière les barreaux.
Cette peine aurait pu être écourtée car le 27 février 1975, Peter Lorenz, candidat CDU (parti démocrate-chrétien allemand) à la mairie de Berlin-Ouest, est enlevé, à deux jours des élections, par les anarchistes du Mouvement du 2-Juin. Ces derniers exigent la remise en liberté de Horst Mahler et d’autres activistes détenus en échange de la libération du politicien. Mahler refuse d’être échangé. Refus qu’il expliquera le 1er mars 1975 dans le JT de 20 heures le plus vu d’Allemagne, la Tagesschau de l’ARD (radio-télévision de service public). Défendu et soutenu par l’avocat Gerhard Schröder (qui sera chancelier entre 1998 et 2005), il est finalement libéré en 1980 puis réintégré au barreau d’Allemagne en 1987, reprenant ainsi son métier d’avocat avec pour clientèle principale les petits entrepreneurs.
Dés lors ses positions de jeunesse vont largement évoluer. Inspiré par la lecture de Hegel, Horst Mahler se rapproche des milieux nationalistes allemands à la fin des années 1990, appelant l’Allemagne à retrouver son « identité nationale » et à se libérer de sa « servitude pour dette » vis-à-vis de l’Histoire. En 2000, il signe, avec le journaliste, homme politique conservateur et ancien membre de la Waffen-SS Franz Schönhuber, un livre intitulé Schluß mit dem deutschen Selbsthaß, Plädoyer für ein anderes Deutschland (Pour en finir avec la haine de soi allemande, plaidoyer pour une autre Allemagne) avant d’adhérer au parti national-démocrate d’Allemagne (NPD). Le parti est alors menacé d’interdiction par les autorités allemandes. Horst Mahler en sera, avec succès, l’avocat devant la cour suprême allemande de 2001 à 2003. Le jour même de sa victoire et de la déclaration de non-lieu par la cour suprême, il rend sa carte du parti à son président Udo Voigt (aujourd’hui député européen), assis à côté de lui dans la salle d’audience : selon Horst Mahler, en jouant le jeu démocratique, le NPD est trop lié à un système destiné à l’effondrement.
Interviewé à cette époque par Libération (28 août 2000), il détaillait la cohérence de son parcours :
- « Jadis déjà, notre ennemi principal était l’impérialisme américain. Lequel se trouve aujourd’hui derrière cette politique d’envahissement par les étrangers. C’est la politique de l’establishment de la côte Est [des États-Unis, NDLR] que de vouloir balkaniser l’Europe pour la mettre hors jeu ! […] Marx l’avait écrit en 1843 déjà : l’humanité doit s’émanciper du judaïsme. [...] Ce n’est pas les juifs qu’il faut tuer, c’est Yahvé, leur Dieu. Il n’y a pas de religion qui célèbre autant la haine que le judaïsme. Le génocide est un stéréotype de son culte qu’il propage. [ …] Les Allemands devraient avoir la chance de pouvoir eux-mêmes examiner l’histoire pour savoir ce qui s’est passé […] Les jeunes, à qui l’on raconte que le nazisme ne fut que ténèbres, ne peuvent pas comprendre quelle énergie ce régime avait libérée, comment tout le peuple s’était mobilisé, comment il a pu tenir tête au monde pendant quatre ou cinq ans et presque même gagner la guerre... »
Désormais, les condamnations pour délits d’opinions ne cesseront plus. Comme en mai 2004 quand il écope d’une amende de 7 800 euros, étant accusé d’avoir fait l’apologie des attentats du 11 septembre 2001, ou encore quand les autorités du Brandebourg lui confisquent son passeport pour une durée de six mois afin d’empêcher sa participation à la Conférence internationale sur l’Holocauste organisée à Téhéran en décembre 2006 et à laquelle participera entre autres Robert Faurisson. Le ministre de l’Intérieur allemand, son ancien camarade de lutte Otto Schily, justifiera ce traitement d’exception en expliquant que Horst Mahler porte gravement atteinte au prestige de la République fédérale d’Allemagne.
Mais personne ne fera taire Horst Mahler et en septembre 2007, lors d’un débat organisé par le magazine Vanity Fair, il gratifie son interlocuteur Michel Friedman, homme politique célèbre, membre du CDU, ancien vice-président du Conseil central des juifs en Allemagne (de 2000 à 2003) et ancien président du Congrès juif européen (de 2001 à 2003), d’un « Heil Hitler, M. Friedman ! ». Pour cette performance, il sera condamné, le 28 avril 2008, à dix mois d’emprisonnement ferme. Par ailleurs, sa compagne d’alors, l’avocate Sylvia Stolz, fut condamnée à trois ans et demi de prison en 2007 pour sa plaidoirie lors du procès du révisionniste canado-allemand Ernst Zündel au tribunal de Mannheim. Lui aussi était poursuivi en justice pour son travail révisionniste. Travail caractérisé par une loi allemande similaire à la loi Fabius-Gayssot en France, comme « incitation à la haine raciale ».
Pour avoir qualifié l’Holocauste à plusieurs reprises de « plus gros mensonge de l’histoire du monde » Horst Mahler est condamné à quatre peines cumulatives de 12 ans et 11 mois de prison par les cours correctionnelles de Munich et de Potsdam pour « incitation à la haine raciale ». Cette peine maximale pour un délit d’opinion – du jamais vu en Allemagne – sera plus tard réduite à 10 ans et 6 mois de prison. Depuis le 25 février 2009, il est donc incarcéré à la prison de Brandebourg. Il avait été hospitalisé par deux fois en 2012, puis avait obtenu un ordinateur qui lui permit de novembre 2012 à mars 2013 d’écrire deux-cent trente cinq pages inspirées par sa lecture du livre de Gilad Atzmon Quel juif errant ? Intitulé Das Ende der Wanderschaft (La Fin de l’errance), cet ouvrage lui vaut, depuis mai dernier, les poursuites du procureur de Cottbus/Brandebourg, à nouveau pour incitation à la haine raciale, ce que Mahler contredit fermement. D’après lui ce texte philosophique sur les juifs et le judaïsme démontre au contraire comment les peuples non-juifs du monde peuvent résoudre pacifiquement, grâce à la force de la pensée hégélienne, le problème de l’antisémitisme.
Petite anecdote : une procureure allemande a été la victime collatérale du chemin de croix judiciaire du prisonnier politique n°1 d’Allemagne. Cette dernière a été limogée à l’été 2008 pour avoir estimé que la constance de Horst Mahler à assumer ses opinions « forçait le respect ».
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Horst Mahler
c/o JVA Brandenburg
Anton-Saefkow-Allee 22
D-14772 Brandenburg/Havel
Allemagne